Les hommages à Jean-Marie Pelt
Hommages à Jean-Marie PELT, après son décès le 23 décembre 2015.
Le mot de Philippe Desbrosses
Chers Amis,
J’ai reçus les nombreux hommages que vous avez adressé à notre ami commun Jean-Marie PELT, tous plus chaleureux, reconnaissants et généreux les uns que les autres.
Je n’avais pas le courage d’écrire, mais votre élan a fini par me décider d’ajouter quelques mots à vos paroles aimantes.
Oui, Jean-Marie à quitté le monde des apparences, le monde des illusions, mais il est là, plus présent que jamais avec sa bonté son humour, sa foi, son message d’espérance…
Je pense même, que mesurant les difficultés à agir dans ce monde terrestre, il est allé voir du coté des étoiles pour retrouver l‘énergie primordiale et nous insuffler une nouvelle manière d’être.
Car c’est bien de cela dont il est question dans ces temps rudes de mutation profonde : « être ou ne pas être » acteur du nouveau monde, au service de son
prochain, comme de son lointain, de l’humanité présente et de l’humanité à venir.
Sa détermination et son courage à affronter les ennemis du beau et du bien, de combattre l’injustice et les impostures scientifiques, (je n’ai pas besoin de préciser lesquelles) en font un homme d’exception que je garderai dans mon cœur comme source d’inspiration.
Merci à vous tous pour cette communion et ce partage des valeurs qui nous animent tous, et que Jean-Marie portait si haut.
Philippe Desbrosses.
L'hommage de Philippe Courbon
Nous parlions deux ou trois fois au téléphone par semaine, des dialogues ininterrompues sur la vie, l’amour, la mort, l’écologie, l’espérance des uns, le défaitisme des autres.
Il y a encore quatre jours, nous conversions. Il me lisait le premier paragraphe qu’il venait d’écrire, celui pour son prochain livre qui, telles des mémoires, témoignerait de son chemin de vie et de foi. « Je suis un enfant de l’amour », me disait-il, et « mes parents m’aimaient et je le leur rendais bien ». « Maman m’appelait « Trésor » et pour moi « là où est ton trésor là est ton cœur » » (citation de l’évangile Matthieu 6 v 21) poursuivait-il, engageant ainsi ce lien de l’amour familial à l’Amour de l’Indéfinissable.
Lorsque l’émerveillement ne déserte pas un être humain durant quatre-vingt-deux ans, il donne à cet être le visage d’un éternel printemps. Tel est le visage de notre Jean-Marie, dont l’esprit toujours en éveil, la curiosité sans cesse réactive alimentait autant le scientifique que l’humaniste dans une empathie toujours immédiate, avec un sourire qui embrasait le monde.
Si souvent je l’ai présenté dans des colloques et forums, y compris avec cette conférence à deux voix sur « la raison du plus faible » qu’il me faisait l’honneur et l’affection de partager, au point que nous devions nous trouver dans quelques jours chez lui, pour écrire ensemble.
Aujourd’hui l’exercice de rédiger cet hommage m’est profondément difficile tant je suis affecté par le chagrin du départ.
Compagnon de route et président d’honneur du Ciidhum (Collectif d’Initiatives Interdisciplinaires pour le Développement Humain), il m’encourageait sans cesse et devant toutes difficultés me disait une parole africaine « Tout finira par s’arranger ! »
Les chroniqueurs ne manqueront pas de rappeler la carrière universitaire de Jean-Marie Pelt, la création de l’Institut Européen d’Ecologie, l’écrivain environnementaliste le plus prolifique avec plus soixante ouvrages, l’expert en écologie et en botanique reconnu, le conférencier toujours pédagogue et si passionnément conteur, l’homme de radio dont la voix chaleureuse était telle celle d’un ami accueilli à la maison pour nous parler du monde.
Il nous disait si souvent que le monde manque de « sages », de « savants » et de « saints ». Je crois qu’il était les trois !
« Sage », parce que son discernement toujours en éveil est associé à beaucoup de recul lui permettant comme le disait Marc Aurèle de « de supporter ce qui ne peut être changé et le courage de changer ce qui peut l'être mais aussi la sagesse de distinguer l'un de l'autre ».
« Savant » non seulement parce qu’il est un scientifique, mais plus encore parce qu’il est un chercheur de vérité incessant, avec l’intelligence et l’émerveillement toujours éveillées.
« Saint » au sens « Homme de foi » et Serviteur de la Vie, assurément, échappant aux logiques des compétitions et des dominations, trouvant inspiration dans une foi toute intacte et pleine de fraîcheur, celle du petit enfant.
L’enfant, oui, toujours si vitalement présent en lui.
Ce qui ne sous-entendait aucune naïveté. Avec son regard amusé et émerveillé, Jean-Marie connaissait parfaitement les êtres humains, leur grandeur et leur misère, et, dans l’intimité, toujours discrète et bienveillante, il témoignait d’un discernement incessant.
Sa lecture du monde n’était pas enfermable dans l’étroitesse d’un sens, parce qu’elle était nourrie par un regard visionnaire, transversale, humaniste et ample. Son regard désenclavé rejoignait aisément la compréhension d’une jeunesse qu’il aimait à rencontrer, laquelle est demanderesse de valeurs et d’exemplarités en humanité (voir son livre « héros d’humanité »). En cela, son œuvre « trilogique » depuis « la loi de la jungle » à « la solidarité » à « la raison du plus faible » traduit bien, le parcours qui devrait être la voie d’une « humanisation » attendue de notre société.
Dans cette civilisation du consumérisme et du « zapping », sauver « la mémoire des mots » est important. Jean-Marie Pelt l’a fait, et il a participé assurément à cette mission de « veilleur » et « d’Eveilleur » des consciences autour la « Civilisation de l’Amour », ... si ardemment appelée par un autre grand sage qui nous est un ami commun, Théodore Monod.
Sorti de cet espace et de ce temps, il a désormais accès à ce que qu’il a toujours cherché et à ce qui, sans doute, s’est toujours cherché en lui, cet Indéfinissable qui se manifeste comme un « murmure doux et léger » comme un « silence subtil ».
Par contre, Jean-Marie ne sortira jamais de nos cœurs et de nos pensées,
Et nous pouvons lui dire MERCI de ce qu’il a été et plus encore du Souvenir Indéfectible que nous garderons de lui.
Merci aussi de son humour qui m’accompagne aussi lorsque j’écris ce billet d’hommage, et dont je me surprends à imaginer les mots par-dessus mon épaule. C’est dire ce qu’est sa présence si forte dans nos cœurs.
Je ne vais pas lui dire « Adieu »,
mais « A toujours ! » car l’Amitié a cette capacité de transcender l’espace et le temps et de s’inscrire dans l’Eternité.
Son ami, son frère, Philippe COURBON 24 décembre 2015
Le mot d'Edgar MORIN
Je suis bouleversé d'apprendre la mort de Jean Marie Pelt, ce frère, cet être de lumière, ce penseur profond de la vie, notre vie notre humanité
Edgar.
Les textes de Denis lors de l’émission de France-Inter, CO2 mon amour du 26 décembre 2015 consacrée à Jean Marie Pelt.
Plus de balade dans ton jardin Lorrain.
Ce mercredi d’hiver qui n’en a que le nom, il y eut un léger frémissement dans l’air/ puis une envolée de pollen vers le ciel. Les abeilles pourtant au repos ont colporté la nouvelle.
Tes mirabelliers, tes noyers ont compris tout de suite. Dans le monde entier les plantes et les forêts ont su les premières/ Avant les hommes. Elles se sont données le pistil, le rhizome, la feuille, la fleur.
« De battre son cœur s’est arrêté. De battre son cœur s’est arrêté... » ... comme un battement d’aile de papillon. Une traînée de larmes et d’amour. Petit Jean était mort. L’enfant de Dieu qu’il était est parti rejoindre les siens en Lorraine, quelques heures avant la Nativité, avant Noël. Le sens du timing Jean Marie ...tu l’as fait exprès ... ? la nature et la foi réunies dans le même amour et le même bonhomme. Petit Jean est toujours resté un enfant/ avec sa capacité d’émerveillement / mais aussi son sens critique … mais avant tout un enfant/ un Petit Jean.
Buffon, Linné, Lamarck, Darwin, Théodore Monod, Robert Schuman... tous étaient là mercredi pour t’accueillir. Tu étais un savant, un encyclopédiste des Lumières, un sage car tu supportais ce qui ne pouvait être changé / et tu t’efforçais de changer ce qui pouvait l’être.
Monsanto, les marchands de phyto, Areva, les fabricants d’amiante et d’ogm feront l’économie d’une couronne de fleurs mardi à ton enterrement. « C’est beaucoup mieux car elles risqueraient d’être arrosées de pesticides » Bah oui, on riait de notre mort.
Tu n’as jamais eu peur de la mort, tu savais que tu serais sauvé.
Tu étais un homme bon/ avec tes tourments personnels mais un homme bon/ incapable de faire du mal/ éclairé, éclairant engagé tenace dans tes combats visionnaire ... mais avant tout tu étais mon Jean Marie, j’étais ton Denis/ tu étais un frère, un père, mon ami/ une amitié comme celle du Petit Prince / parce qu’il y a 25 ans on s’est reconnu.
Lundi je dormirai sur ton lit, dans ta chambre remplie de rêves et de mots qui nous servait de studio. Michel Ange esthète / avait dessiné ton index potelé qui nous indiquait un chemin possible au milieu des tempêtes/
Tu étais un médicament naturel sans contrefaçon / un anticyclone de sagesse face à la bêtise et aux cons ... « Que l’on est toujours pour quelqu’un d’autre ! » nous empressions nous d’ajouter/ tu étais un rempart de belle spiritualité/ face à la consommation effrénée qui décapite le vivant
« La croissance économique se fait au prix de la décroissance écologique, comme une tumeur cancéreuse ne s’alimente qu’au détriment de l’organisme qu’elle épuise : dans les deux cas le bilan final est désastreux » L’homme renaturé 1977.
Tu avais ton regard de bon toutou et d’enfant qui savait les hommes. On riait de tout. L’amour – dans lequel tu incluais la foi- la beauté et l’humour ... y a que ça qui nous sauve.
Lucide : « C’est bien joli de vouloir sauver les âmes... encore faut il que les gens en aient une »
Contrairement à ce que pensent certains de tes détracteurs qui n’auront jamais ton aura, tu séparais très bien la science et la foi et condamnais le créationnisme. De la laïcité, tu étais un ardent défenseur … et les critiques se cognaient sur tes rondeurs.
« Tu comprends Denis : Les églises sont vides, les médias sont pleins alors je vais dans les médias. Pour relier ... les gens entre eux et l’homme à la nature » c’était ça le grand œuvre de JMarie ravauder, recoudre sans cesse …
« Dans la nature rien ne s’oppose à rien. C’est l’homme qui a introduit la dualité. Et la dualité majeure est celle qui oppose l’homme à la nature »
Merci à Pierre Codou et Jean Garretto à l’Oreille en coin de t’avoir proposé les premiers de faire de la radio.
« Viens, on va regarder le journal à la télé pour voir ce que les hommes ont encore inventé pour bousiller la planète … et après à table ! »
En conférence nous avions concocté une formule : «Nous avons 2 nouvelles à vous annoncer. Une bonne et une mauvaise, Commençons par la mauvaise « Nous n’avons pas encore touché le fond de la piscine » passons à la bonne : « Oui mais il y a un fond à la piscine » … nous n’en savons rien mais le croyons.
Plus de balade dans le jardin Lorrain !
Tu aimais les plantes, les bêtes, ma Lorraine, Jésus, les roses anciennes ; les gens, la science, la charcuterie un peu trop, « Non Jean Marie, je te retire le saucisson ! ...Mais il est bio, Denis ! – Non ! sinon ton cœur ressemblera à un foie gras et nous on a besoin de ton cœur pas de foie gras » Si tu aimais les fleurs c’est parce qu’il y avait des hommes pour les regarder.
T’es parti au solstice d’hiver quand la lumière remonte. On n’aura jamais assez de la tienne, elle est déjà en nous.
Tu aimais le cosmos, les étoiles, la voie lactée comme une flaque / alors tenez, quand nous t’aurons accompagné près de tes parents, grands-parents aimés/à Rodemack/ au soir de ce prochain mardi/ on regardera un petit astéroïde dans ciel, car il porte ton nom Jean Marie ...
Denis Cheissoux
26 décembre 2015 au matin dans une mare de larmes
Hommage de Gilles-Eric Séralini
Nous avons perdu un grand Homme, un grand ami, le plus important auteur d'écologie en francophonie avec plus de 70 ouvrages et un initiateur fabuleux d'une Europe sans OGM.
Je l'avais connu en 1996 pour apporter des conseils auprès de notre Ministre d'alors, devenue aussi une amie, Corinne Lepage. Il avait initié le moratoire demandé par de nombreux scientifiques et médecins, dont Albert Jacquard et Jacques Testart qui a initié l'idée du CRIIGEN.
Nous avons fait des conférences complices, dont la dernière l'un après l'autre début octobre à Paris devant 3000 personnes, lui, Jérôme Douzelet et moi et avions encore échangé des sentiments chaleureux. Le public l'aimait tant, il savait tout concilier.
Plein d'humour il me disait souvent sa foi, et aurait choisi cette période où il n'a pas souffert. Colette Coussement l'a accompagné plus de 40 ans à la tête de l'Institut Européen d'Ecologie, elle reviendra au CRIIGEN m'assure-t-elle.
Nous avions écrit ensemble "Après nous le déluge ?" Et il était intarissable sur les risques des petits et des grands de la biosphère. J'avais travaillé chez lui, il était d'une simplicité merveilleuse, il a tout donné aux enfants qu'il a adoptés, soutenus. Un botaniste et pharmacologue exceptionnel, grand explorateur des mondes méconnus dans sa jeunesse est notre guide. Ce fut un très proche de Robert Schuman fondateur de l'Europe, et il a grandement contribué à l'architecture et l'environnement de Metz de nombreuses années aux côtés du maire.
Embrassons-le, et sa mémoire. Pour tout ce qu'il a fait pour nous. Je lui ai écrit pour la première fois pour admirer ses écrits au cours de mes études, il a brillé dans ma vie. Merci Jean-Marie.
Gilles-Eric
Hommage du journal « LE MONDE »
Le journal en ligne REPORTERRE
Le magazine "Reflets"
Le magazine « REFLETS » publiait la dernière interview de Jean-Marie PELT au cotés d’un parterre de célébrités de bon aloi. Cliquez ici.