Manger bio : à quoi ça sert ?

Article drôle de Benoit Sorel, stagiaire au printemps 2012 de la formation bio Agriculture et Filière à la ferme Sainte Marthe

Sur une une planète très éloignée de la Terre, dans la galaxie d'Andromède, le hasard de la grande loterie astronomique a fait émerger une espèce remarquablement similaire à l'être humain. Ces êtres nomment leur planète Humos.

Après une évolution de 15000 ans, permise grâce à la richesse de la Nature locale, leur société se trouve malmenée en ce moment même par des crises écologiques et économiques sans précédent, crises qu'elle a elle-même engendrée.

Grâce au tout nouveau télescope gogol-subastronomique, voyons comment la société des humos fait face à ses défis:

A proximité d'un centre urbain, dans une contrée qui jusqu'à récemment avait influencé la dernière phase d'évolution de leur société, se tient un séminaire sur les façons de penser qui doivent permettre de se tirer de ce mauvais pas.

A la sortie d'une conférence, un adepte de la bio-attitude, mouvement revendicateur pour une nouvelle société, discute avec un naturosophe, personnage énigmatique, une sorte de gourou, qui prétend que la Nature est source de sagesse.

Après un échange de considérations politiques sur l'inefficience des réprésentants du peuple nouvellement élus (et de leurs prédecesseurs d'ailleurs), leur discussion glisse vers la question de l'alimentation des hommes.

Convaincu de trouver un allié à la cause de la société nouvelle qu'il promeut, le bio- adepte aborde sans détours la nécessité d'utiliser des méthodes de culture des végétaux, qui ne dégradent pas la fertilité du sol: ce sont des méthodes de l'agriculture biologique. A sa grande surprise, le naturosophe lui pose la question suivante:

Naturosophe (Ns)- Manger « bio », à quoi ça sert ?

Bio-Adepte (Ba)- C'est évident: pour être en bonne santé ! Et c'est bon pour la planète et pour nos enfants: c'est le capital santé de notre planète et des générations futures qu'il convient aussi de préserver. Manger bio, c'est un moyen essentiel pour parvenir à une société durable.

Ns- Oui, mais, être en bonne santé, avoir une jolie planète en équilibre, vivre sainement sans stress, à quoi ça sert ?

Ba- Mais n'est-ce donc pas évident?! Afin de mettre toutes les chances de son côté pour pouvoir vivre la vie que l'on veut, et que nos enfants puissent faire de même.

Ns- Oui, mais vouloir vivre la vie qu'on veut, n'est-ce pas ce que tous les hommes veulent depuis l'nuit des temps ? Ce désir, si simple et évident qu'il soit, a-t-il jamais conduit de mémoire d'homme à une société durable ?

Ba- C'est la nature humaine. L'être humain est imparfait, par définition. Alors, on fait ce qu'on peut : la peuplocratie est le meilleur système de gouvernance que l'on ait trouvé à ce jour, et justement grâce à la peuplocratie aujourd'hui on prend conscience de l'importance de se nourrir sainement et de préserver la santé de la planète.

Ns- Si tu sais que la nature humaine n'est pas parfaite, pourquoi ne pas la faire évoluer ?

Le bio-adepte se demande si ce soi-disant sage joue à l'avocat du grand vendeur, ou bien s'il est fou ou sérieux. Il plonge dans ses pensées. Faire évoluer l'être humain est impossible, sait-il. Certes, il est reconnu que l'être humain est issu de la Nature, qu'il a évolué par elle. Mais depuis longtemps, toute vie sociale s'exerce hors du milieu naturel. Il est impensable de retourner au mode de vie de chasseur-cueilleur. Devant le silence septique du bio-adepte, le naturosophe lui lance :

Ns- Ne vois-tu pas que cette évolution est à portée de tout être humain ?

Ba- Non, je ne vois pas...

Ns- N'es-tu pas ce que tu manges ?

Ba- Bien sur que si, c'est une évidence.

Ns- Sais-tu que nos scientifiques ont découvert que des conditions de vie traumatisantes laissent une trace dans notre patrimoine génétique ? Si dans sa jeunesse une personne souffre intensèment et que cet événement reste présent en elle, les enfants et petits-enfants qu'elle aura vont connaître les mêmes souffrances psychiques qu'elle. Ceci est dû à l'expression des gènes qui a été altérée par l'évènement traumatisant. Cette expression se transmet à la descendance. Pouquoi ne pas penser l'inverse : que le bonheur dû à des événements particulièrement heureux se transmette aussi à la descendance ?

Ba- En effet, on peut le penser. C'est curieux ... je me rappelle que nos grandes religions enseignaient que l'alimentation est un facteur essentiel pour avancer sur le chemin du grand questionnement, pour parvenir à la « réalisation ». Que l'alimentation est un facteur pour développer des capacités hors du commun : empathie, extrasensibilité envers la Nature, et bien d'autres miracles encore... Tu veux donc dire que notre évolution n'est pas bloquée : il nous suffirait de manger et vivre sainement. Et automatiquement, nous serions plus heureux, aurions plus de chance de vivre des expériences spirituelles, nous transmettrions cette « force » à nos enfants, de génération en génération ... merveilleux !

Ns- L'évolution biologique de l'être humain et son évolution spirituelle sont les deux facettes d'un même et unique phénomène, en effet.

Silence.

Ns- Tu as lu trop de livres, qui te font voir trop de complexité et de fantaisie. Une expérience spirituelle n'a rien d'extraordinaire. Il suffit de vivre simplement, en prenant soin d'équilibrer la réflexion, la sensibilité et l'action, de garder la curiosité libre et d'aller de temps en temps vers ce qui est inconnu.

Ba- Mais nos scientifiques sont unanimes pour dire que les capacités extraordinaires sont des effets subsidiaires de maladies du cerveau. Ils disent aussi que l'évolution biologique ne peut pas se poursuivre, car le rythme de notre société est devenu indépendant de celui de la Nature, et car nous vivons coupés de la Nature. Et certains disent aussi que l'évolution de l'être humain sera biotechnologique : n'existe-t-il pas déjà des implants électroniques reliables au cerveau, pour diriger un ordinateur par exemple, ou pour capter des formes visuelles et redonner la vue (partielle) aux aveugles ? Ainsi l'être humain aura de nouvelles capacités.

Ns- Chacun doit réfléchir par soi-même. Ces gens qui te donnent ces explications, en insinuant que l'être humain est affublé de petitesse et de tares, ne sont-ils pas plutôt des commerçants, qui attisent ton angoisse en vue de te vendre de nouveaux gadgets électroniques ? C'est une fuite en avant sans fin qu'ils veulent te vendre.

Ba- Mais ce qu'ils proposent est utile : cela réduira l'immense parc d'outillage électronique nécessaire aujourd'hui. Plus besoin d'ordinateurs: une micro-puce suffira.

Ns- Est-ce une société durable, parce que reposant sur la technique, que tu veux ? Ou est-ce une société durable, parce que reposant sur la confiance en l'évolution naturelle de l'être humain, que tu veux ? La seconde n'exclut pas la première, mais la première ne garantit pas la seconde.

Sur ce, le naturosophe souhaita au bio-adepte une bonne fin de séminaire, et se dirigea vers le buffet. Le bio-adepte rêvait : La science, la spiritualité, une façon de les combiner qui serait un idéal pour la nouvelle société qu'il souhaite, un idéal qui serait aussi une porte ouverte vers un inconnu mystérieux à explorer ... très motivant ! Il se sentait joyeusement perplexe et léger à la fois, et les odeurs alléchantes du buffet parvinrent enfin à son attention. Il allait pouvoir discuter de cet idéal avec ses amis autour d'un bon repas bio !

Ni le naturosophe ni le bio-adepte ne remarquèrent qu'une personne les avait écouté à dos tourné. C'était un représentant du peuple. Il n'avait pas compris grand-chose à leur conversation, ni à l'objectif du séminaire d'ailleurs ; ce qu'ils avaient dit était pour lui incompatible avec la nécessité de produire plus de biens industriels, ainsi que de produire plus de nourriture bon marché.

Et c'est de cela, de la croissance, pensait-il, que la société avait le plus besoin actuellement, c'est évident. La science sert à inventer de nouveaux produits, et la spiritualité, le « grand questionnement », est une préoccupation des humains des cavernes, pensait-il. Et il se dirigea à son tour vers le buffet, dont les fumets lui laissaient pressentir un repas mémorable.

Comme nous le voyons, sur la planète Humos, les cerveaux chauffent, chauffent, et il semble donc que le changement vers une société plus respectueuse de la Nature locale et des caractéristiques essentielles de l'être humain soit en bonne voie.

Toute ressemblance entre cette planète de la galaxie d'Andromède, et la notre, ne peut être que fortuite.

Pour en savoir plus :
Les thèmes et les découvertes scientifiques abordées dans cette histoire sont véridiques. Pour en savoir plus, je vous invite à prendre connaissance des tenants et aboutissants de l'utilité de réfléchir aux contacts entre science et spiritualité. Ils sont présentés dans le texte Science, Spiritualité et Société, téléchargeable sur http://www.science-and-buddhism.eu/4fr.html. Il est montré en particulier comment ce genre de réflexion permet de concevoir un idéal, la vie en amitié avec la Nature pour que l'évolution biologique de l'être humain puisse se poursuivre. Cet idéal peut accompagner tous les efforts écologiques et sociologiques actuels menés en vue d'éviter les pires conséquences des crises écologiques et économiques auxquelles notre société occidentale est confrontée.

Benoit Sorel
Stagiaire Formation Bio Sainte Marthe, session du printemps 2012

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