Politique Agricole Commune : la "PAC 2013" toujours aussi injuste
La Commission Européenne Agricole est-elle a ce point soumise aux lobbies agricoles qu'elle propose de maintenir jusqu'à 2020 les privilèges des gros agriculteurs industriels au dépend des petites exploitations de qualité et au dépend de l'environnement ?
Quelle légitimité reste-t-il à la Politique agricole commune suite au vote de la Commission Agriculture du Parlement Européen ?
Paris, le 28 janvier 2013.
Les 23-24 janvier 2013, les membres de la Commission de l'agriculture et du développement rural du Parlement Européen (ComAgri) ont voté des amendements au projet de réforme de la Politique agricole commune (PAC).
Les organisations du Groupe PAC 2013 signataires estiment qu'ils ne vont pas, dans leur ensemble, dans la direction attendue par la société. Pire, la ComAgri a fait la sourde oreille aux propositions des commissions de l'Environnement et du Développement du Parlement en faveur d'une PAC plus écologique, plus juste et plus solidaire.
Le Groupe PAC 2013 appelle tous les eurodéputés à se saisir du dossier, pour qu'ils prennent en main et améliorent les rapports qu'ils voteront en session plénière au mois de mars.
Les votes en ComAgri ont considérablement réduit la portée de la réforme de la PAC proposée par la Commission Européenne, laquelle déjà, manquait d'ambition.
Verdissement : les citoyens européens paieraient deux fois pour du greenwashing
La majorité des membres de la ComAgri a voté de nombreuses dérogations aux mesures de verdissement, autorisant les agriculteurs à être payés deux fois pour des pratiques peu exigeantes en faveur de l’environnement.
Exemple symbolique : la ComAgri, en retenant comme exigence une diversification des cultures a minima, n'a pas voulu de la mesure de rotation des cultures. Contrairement à la faible portée de la diversification, la rotation permet notamment de réduire les intrants chimiques et, via l'introduction de plantes légumineuses, d'importer moins de soja et de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
De plus, la moitié des mesures de la conditionnalité des aides a été supprimée par la ComAgri. Dès lors, l’affaiblissement de l’ensemble des mesures de "verdissement" font de cet objectif, pourtant annoncée comme phare, une vaste opération de greenwashing.
Enfin, le 2nd pilier favorisant l’environnement et le développement rural risque de se retrouver largement amputé suite au maintien des mesures de gestion des risques, ne profitant qu’au secteur assurantiel privé.
Distribution des aides : inégalité et inéquité toujours présentes après 2020 !
Alors que l'un des objectifs initiaux de la réforme était mettre fin aux aides profondément injustes basées sur des références historiques d'avant 2002, les membres de la ComAgri ont voté une convergence des aides beaucoup trop lente avec une tolérance de 20% d'aides historiques en 2020, prolongeant encore l'inéquité de ces subventions.
Par ailleurs, le vote du plafonnement des aides à 300 000 EUR, encore beaucoup trop élevé puisqu'il ne concerne que 160 fermes en France, ou encore du caractère facultatif du dispositif pour les petits agriculteurs, sont autant d'occasions manquées de restaurer de l'équité des aides entre agriculteurs.
Impact des aides sur les pays en développement : circulez il n'y a rien à voir
La ComAgri a rejeté l'amendement introduisant un mécanisme de suivi et d'évaluation des impacts des aides de la PAC sur l'agriculture et la sécurité alimentaire dans les pays en développement, comme nos organisations le demandaient au nom de la cohérence des politiques publiques.
En outre, la ComAgri ne veut pas que l'Union Européenne s'interdise de subventionner l'exportation de produits agricoles, et souhaite conserver les fameuses restitutions, même si leur budget est fixé à zéro.
Selon les organisations du Groupe PAC 2013, les votes de la Comagri ne contribuent absolument pas à restaurer la légitimité de la PAC. En introduisant de nombreuses dérogations et flexibilités, les 40% du budget européen alloués à la PAC seront difficilement acceptables pour nos concitoyens puisqu’elle ne sert pas leurs intérêts.
Pour la première fois dans l'histoire de la PAC, la décision finale sur la réforme associe le Parlement Européen aux côtés des ministres de l'agriculture. En vue de la session plénière de mars, le Groupe PAC 2013 appelle les eurodéputés à se mobiliser pour redresser la ligne d'horizon des rapports votés en ComAgri, et ainsi redonner confiance aux européens envers l'institution démocratique qu'est le Parlement Européen.
Samuel FERET