Petit conte pour la protection des semences

 

Tikawa la gardienne de la terre

Tikawa est une jeune femme, habituée aux travaux de la terre. Son peuple, les" Arikapawé" la cultive depuis des millénaires, dans un amour et est un respect le plus total.

Un jour, quatre étrangers vinrent les visiter. " SanManto" ,"Pasympa", "Bailleur" et "Pion-niais".

Tikawa les accueillit comme il se doit, chaleureusement, heureuse de leur faire partager leur bonheur. Les étrangers firent semblant de s'émerveiller de leur travail de la terre. Puis, ils se mirent, l'air de rien, à déprécier ce que la terre nourricière leur offrait.

- "Quoi ?! vos pieds de maïs ne font que trois épis ? Mais les nôtres en produisent six par plantes !!!" s’écria SanManto

- "Quoi ?! vous ramassez les déjections pour nourrir la terre !!! Mais c'est très dur et très sale !!!... Sais-tu que nous, il nous suffit de mettre notre poudre magique pour que nos plantes produisent ?" Fit remarqué Pasympa

Tikawa, gênée par ces remarques, prit conseil auprès des anciens. Elle se méfiait de ces étrangers qui critiquait leur labeur. Mais les graines de doute, semées par les étrangers avait germé dans le coeur de son peuple.

- "Pourquoi continuer de travailler si dur, si en faisant moins nous pourrions produire plus ? Nous aurions plus de temps pour nos familles et pour nos animaux.." se dirent-ils.

Les étrangers profitèrent alors de ce malaise pour solutionner le problème.

- "Tenez, voici nos graines et nos poudres magiques, dit Sanmanto, nous vous les offrons généreusement. Ainsi vous pourrez comparer."

Et tels des hyènes, ils partirent en ricanant.

Tikawa en parla à son père, chef de la tribu.

- "Ma fille, je suis d'avis d'essayer ces fameuses graines..."

La jeune fille qui se méfiait, implora son père d'être prudent et lui proposa de continuer à conserver les anciennes graines. Le chef accepta et lui confia la tâche de s'éloigner de la tribu avec ceux qui le voudraient, afin de conserver un potager ancien. Elle partit donc avec quelques compagnons créer son jardin.

Puis vint le jour de la récolte. Elle ramena ses légumes à sa tribu. Malheureusement, la récolte des étrangers était supérieure à la sienne. Sanmanto, Pasympa et leurs acolytes raillèrent son entêtement et la tournèrent en ridicule.

- "Voyez cette sotte, elle s'évertue à faire pousser des légumes qui donnent moins que les nôtres, et à faire un travail qui nous est complètement inutile !!! hahaha nourrir la terre !!! quelle érésie !!! faut-il être stupide !"

Mais le grand chef, tout en sagesse, les fit taire d'un regard.

- "Nous vous avons accueilli avec respect, respectez à votre tour notre façon de vivre. Jusqu’a présent nous nous nourrissions sans votre aide. Tikawa, tu continueras le travail ancestral...

- "Allons, à quoi bon, le coupa Sanmanto, ne vois-tu pas que nos plantes et notre magie sont plus rentable ?"

- "Plus besoin de vous embêter, le travail se fait tout seul !" rajouta Pasympa

Le chef fit comme s'il ne les avait pas entendu :

- "…Et tu conserveras précieusement les graines de tes meilleurs légumes" acheva le chef de la tribu.

Tikawa s’inclina et repartit avec ses amis et sa récolte.

L'année suivante, Tikawa revint très fière auprès de sa tribu. Ils avaient travaillé la terre avec tant d'amour, de respect et de patience qu'elle leur avait rendu au centuple. Les légumes étaient splendides et délicieux et surtout, la production avait doublé. Comme si la terre les remerciait de tout ce soin.

De retour au village, elle découvrit les quatre étrangers ligotés. Son père lui expliqua que leurs semences étaient stériles, et que leur poudres empoisonnait la vie de la terre. Il n'y avait donc pas eu de récolte. Par contre les étrangers ne s’étaient pas gêné pour leur proposer leurs propres légumes et leurs graines à un prix très élevé. Le chef s'adressa à sa tribu :

- "Que cela nous serve de leçon, la sagesse des Tikawa a démontré que nous pouvions avoir une foi aveugle dans notre terre... Mais pas dans son enfant, l'humain. Si l'enfant de la terre la renie, c'est qu'il renie la vie. Et on ne peux avoir confiance en celui qui trompe la vie. Nous ferons nos excuses à notre mère en espérant qu'elle nous pardonne."

Tikawa sourit et s'avança alors avec sa récolte :

- "Notre mère a eu foi en nous et vous a pardonné à tous. Vois les merveilles qu'elle nous a offert. Elle savait que vous reviendriez vers elle. Et elle sait que, même si parfois nous nous égarons, nous retrouvons toujours le chemin de son jardin."

Les Arikapawe se prosternèrent, prièrent et dansèrent leur mère, se jurant de toujours l'écouter.

Quant aux étrangers, il les laissèrent dans le grand désert avec leurs graines et leurs poudres magiques :

- "Puisque vos graines valent mieux que les nôtres et n’ont pas besoin de terre pour pousser... Nous vous laissons avec vos trésors."

Les quatre brigands eurent beau les supplier, ils laissèrent leur sort aux mains de Gaïa. L'histoire ne dit pas ce qu'ils sont devenus, mais les Arakipawe, eux, vécurent heureux et en harmonie avec la nature.

On dit que Gaïa elle-même vint les protéger. Et depuis ce jour, on entend leur rire, mais on ne les voit plus.

Ils sont en sécurité à l'abri des enfants qui ont renié la vie. Certains de ses enfants pourtant ont trouvé le chemin de ce paradis, car ils sont revenus vers leur mère nourricière.

Anne-Laure Villard fait partie des collectionneurs de graines anciennes. Téléchargez son tutoriel de réalisation de pochettes à graines !

Cliquez ici pour lire le témoignage de Anne-Laure à la suite de sa formation à la ferme de Sainte Marthe en Automne 2014.